Etes-vous quelqu'un de différent ?

dimanche 31 octobre 2010

Huxley et Orwell comparés

Voici une jolie petite bande dessinée sur Huxley et Orwell qu'il vous appartient de cliquer pour la lire correctement. (En fait non : cliquez ici pour l'afficher au format le plus convenable)

Le dessin est créatif, le texte délicieux et la mise en perspective des pensées des deux auteurs brillante.

Aussi bien Aldous Huxley que George Orwell ont décrit dans des romans célèbres des fins de l'histoire ayant pour forme des mondes totalitaires. Mais les mécanismes de ces mondes diffèrent essentiellement et c'est le mérite de cette bande dessinée de le mettre en évidence aussi joliment.

Ceci dit, je n'ai pas vraiment aimé 1984. D'Orwell je préfère l'excellente satire anticommuniste La Ferme des Animaux.

Pourquoi est-ce que 1984 me laisse froid ? Parce que d'une certaine manière le totalitarisme anticipé par Orwell s'est réalisé dans l'URSS. Mais il est remarquable que ce régime s'est précisément effondré depuis l'intérieur, pour des causes internes, spontanément. Exit donc la possibilité d'une fin de l'histoire sous forme de grande dictature des esprits omniprésente.

La bande dessinée parait d'ailleurs trancher en ce sens.

Le texte est de Neil Postman dans "Amusing Ourselves to Death", le dessin de Stuart McMillen. J'ai tiré l'image du blog de ce dernier ie ici.




mercredi 20 octobre 2010

Le renversement de l'hystérie aux Etats-Unis

Rappelons avant tout que dans un système bipartisan, l'allié objectif du parti de gouvernement d'un bord est le parti de contestation de l'autre bord. Je ne reviendrais pas ici sur les différentes illustrations de cette règle.

Il y a deux ans j'écrivais un article pour expliquer comment la droite battait la gauche.

En résumé de mon article d'alors, j'exposais que les présidents Bush et Sarkozy tiraient chacun parti d'une image droitière quoique gouvernant de fait au centre-droit, ce de façon à bien hystériser leur opposition et la diviser entre modérés et excités. Ainsi ils asseyaient leur pouvoir.

Le fait remarquable aujourd'hui aux Etats-Unis est que ce mécanisme s'est retourné contre la droite : les tea parties, un mouvement à cheval entre libertarianisme et populisme, se renforcent avec un discours très hostile à Obama mais au détriment essentiellement à mon avis des Républicains.

Ainsi il y a quelques années la gauche était divisée entre progressistes intransigeants anti-bush et modérés critiques de Bush, ceux-ci craignant l'extrémisme de ceux-là. Aujourd'hui la droite est divisée de même entre anti-establishments intransigeants anti-obama et modérés critiques d'Obama, ceux-ci craignant de même l'extrémisme de ceux-la.

L'hystérie a changé de camp. Le renversement s'est fait en deux temps.

D'abord il a fallu unifier la gauche. Comment refaire le lien entre la gauche Michael Moore et celle de l'establishment ? Réponse : en présentant un candidat qui incarne les idéaux progressistes. Ce n'est donc pas un hasard si la candidature s'est jouée entre une femme et un noir. Un tel candidat neutralisait la capacité de nuisance des gauchistes, qui ne pouvaient que céder devant la crainte d'être du mauvais côté de l'histoire et bloquer la marche en avant du progrès. Fiat Obama, un homme qui pouvait incarner un rêve gauchiste tout en étant un centriste bon teint. Combinaison parfaite.

Ensuite le camp républicain s'est divisé. Les Républicains promettent éternellement la fin du big government sans jamais y donner réellement suite au pouvoir, cela leur est aujourd'hui reproché par les tea parties.

Il y a aussi la déchéance des néoconservateurs, associés à l'establishment républicain, tenus responsables de la guerre en Irak dont on perçoit bien mal le fondement et l'utilité. Les tea parties, plus libertariens, et donc opposés à la guerre en Irak en bénéficient.

Enfin il est un mouvement général de rejet des élites et des autorités, voire un mouvement conspirationniste, qui se sait illégitime et ne souhaite pas s'exprimer tel quel. Il a besoin de se greffer à un autre discours et il a trouvé ce vecteur d'expression dans les tea parties - ce qui condamne à mon avis à terme le mouvement.

Ainsi les Républicains sont incapables de capitaliser des erreurs d'Obama et seront les perdants in fine du mouvement tea party. La règle exposée en tête d'article se vérifiera peut-être encore plus tôt que je ne l'aurais cru car il apparait que les Républicains pourraient ne pas remporter les législatives de fin d'année alors qu'il était encore prévu il y a peu qu'ils en soient les grand gagnants.

dimanche 10 octobre 2010

Les moi-on-ne-me-la-fait-pas en ordre de bataille contre les banques

« Moi on ne me la fait pas ! On nous vole on nous spolie ! »

Les moi-on-ne-me-la-fait-pas, c'est tout un programme. Ils ne savent pas trop de quoi ils parlent mais... mais... on ne la leur fait pas ! « Tous pourris ! »

Vous n'êtes pas d'accord avec eux ? « Naïf ! Idiot utile ! »

Déjà Paul Valéry remarquait que les nuls se prennent pour des rois détrônés : la faute au système qui ne les estime pas à leur juste valeur !

La Société Générale perd cinq milliards ? Nos amis se sentent détroussés.

La même gagne son procès ? Cela prouve que le système est pourri.

Le fisc rembourse à la banque les impôts qu'elle a payé sur des bénéfices volatilisés ? « Au voleur ! »

Ah si on leur donne le pouvoir, ils couperont quelques têtes et restaureront la république, la vertu et la justice... Car pour les monmlfp la politique se résume au combat des gentils contrariés contre les pourrivendus forcément coalisés. Ils sont d'ailleurs toujours du côté du vent, soutenant une proposition puis une autre, généralement incapables de comprendre que le bien peut contredire le bien et que la politique est un art du moindre mal.

Ainsi il ne fait pas de doute que nos amis qui vilipendent la décision de justice faisant triompher les intérêts de la société générale seraient les premiers à réclamer l'indépendance de la justice tout en étant les premiers à hurler contre les conséquences pratiques telle que la présente décision.

Et les monmlfp vont, de courriers des lecteurs en tribunes, partout gémissant, toujours conspuant, étaler leur ignorance et leur bêtise.

Si on ne peut se réjouir des malheurs du trader, comment rester triste devant la réaction du vulgum pecus à cette affaire ?

Alors où trouve-t-on les plus belles concentrations de monmlfp ? Réponse : dans les courriers des lecteurs et plus particulièrement chez lemonde.fr, qui a sa rubrique dédiée aux réactions (je ne parlerais même pas de la presse nationale-socialiste). Ah s'il n'y avait qu'une rubrique à lire dans les journaux, je prendrais le courrier des lecteurs. Manifestement pas mal de monde y trouve la sensation d'exister enfin un tout petit peu en énonçant son petit avis indigent. (bon c'est vrai pour tout internet)

Quel merveilleux sottisier : on y apprend que la décision condamnant Kerviel à réparer l'intégralité du préjudice de la Société Générale est de la justice religieuse, ou alors aux ordres du pouvoir, que c'est une condamnation perpétuelle, que la collectivité qui paye etc.

Mais c'est là l'illusion que procure internet : nous faire croire que nous sommes intelligents quand ce sont seulement les autres qui sont idiots.

Soyons donc modeste et réfutons rationnellement quelques-unes des accusations les plus communes. Expliquons.

Non, les 4,9 milliards ne sont pas une peine. C'est la réparation du préjudice causé par le trader à la Société Générale. La juridiction a imputé la pleine responsabilité du préjudice au trader et l'a condamné à réparer celui-ci.

Ainsi la Société Générale est blanchie. Quand bien même elle aurait pu commettre quelque négligence, son trader a commis des infractions au caractère intentionnel à l'origine du préjudice. Et parce qu'il s'agit d'infractions intentionnelles, les négligences éventuelles de la banque n'entrent pas dans le calcul.

Voici le passage décisif de la décision. Pour le tribunal, « Attendu qu’il ressort néanmoins des débats et des pièces de la procédure que la Société Générale a été victime du fait volontaire de Jérôme KERVIEL, constitutif des infractions d’abus de confiance, de faux et d’usage de faux et d’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé de données, dont il s’est rendu coupable ; que les négligences imputables à la partie civile ne sauraient être prises en compte dans la détermination de l’étendue de ses droits à indemnisation résultant de la commission d’infractions volontaires ; qu’en effet, Jérôme KERVIEL a été l’unique concepteur, initiateur et réalisateur du système de fraude ayant provoqué les dommages causés à la partie civile ; qu’il s’ensuit que la Société Générale est en droit d’obtenir la réparation de l’intégralité du préjudice financier qui en découle ; »

Le jugement a aussi le mérite de montrer un nouvel échec de la stratégie de rupture. Jouer la carte de l'opinion publique se révèle in fine un aveu de faiblesse. On pourra se reporter à cet article pour se renseigner sur les stratégies de rupture.

L'avocat de Jérôme Kerviel semble pourtant s'engager davantage dans la rupture en affirmant que la banque aurait perçu 1,7 milliard du fisc, ce que les monmlfp ont immédiatement compris comme une offrande de l'Etat au temple spéculatif quand il ne s'agit que de la restitution d'impôts dont la cause du versement a disparu : les bénéfices disparaissent et donc de même les impôts correspondants. Seuls de beaux sophismes bien démagogiques permettent de dire que c'est l'argent des français qui paie les erreurs de la finance.

Trop compliqués pour les monmlfp ? Il y a sans doute de ça. Et plus difficile encore : l'incapacité à entrer une conclusion déplaisante dans un petit système avec de petites cases ; voire l'impossibilité d'entrer une nouvelle conclusion dans un système ou les conclusions se confondent avec les postulats, et les arguments ne sont que de vilaines rationalisations des idées reçues et de la mise en accusation des usual suspects.

Car la culpabilité des banques n'est pas seulement l'aboutissement du raisonnement des monmlfp, c'est encore le point de départ.

Et peu importe le raisonnement, leur vérité c'est que la finance vole les braves citoyens, que la banque savait forcément ce que son trader faisait, et puis une décision de justice c'est trop compliqué à lire, et puis le système est vendu. Et puis à quoi bon les arguments car à eux... on ne la fait pas.